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lundi 18 septembre 2017

Le Comte de Paris et le Roi de Bavière. Histoire ou Roman?

Le journal parisien La Justice du 15 juin 1886 reproduit un article du Matin qui voit, sans cependant en apporter la preuve, une connexion possible entre la fameuse expulsion des Princes de Paris ( loi d'exil du 22 juin 1886, instaurant l'exil des membres des familles ayant régné en France) et la chute du Roi Louis II de Bavière. Le Roi de Bavière, en grand besoin de fonds, avait alors fait demander au Comte de Paris un prêt auquel le Comte aurait été prêt de consentir. 

Le Comte de Paris, Philippe d'Orléans,
dit "Philippe VII".
LE COMTE DE PARIS ET LE ROI DE BAVIÈRE

Sous ce titre : Histoire ou Roman, le Matin publie la très étrange lettre qui suit et dont ce journal, n'ayant aucun moyen de contrôler les faits annoncés, donne le texte sans en assumer en aucune façon la responsabilité.

Nous reproduisons à notre tour ce document, à titre de curiosité ;

"Berlin, 12 juin.

L'expulsion des princes, votée à Paris le jour même où, à Munich, on proclamait la déchéance du roi Louis II - voilà une coïncidence historique qui aura frappé l'imagination même de ceux qui ne soupçonnent aucune connexité entre ces deux crises politiques.

Et pourtant, ce n'est pas à un caprice du hasard qu'on doit le rapprochement chronologique de deux événements qui offrent, en eux-mêmes, tant de points de comparaison. Bien au contraire, 11 y a entre les mesures votées au Palais-Bourbon et celles qu'on vient de prendre au château de Hohenschwangau, au enchaînement de causes et d'effets qu'il suffit d'indiquer pour expliquer bien des réticences et élucider plus d'une de ces allusions obscures que les déclarations officielles, ici comme chez vous, ont substituées aux aveux francs et clairs.

Voici, à ce propos, quelques révélations qui me semblent aussi curieuses qu'elles sont inédites et dont je puis garantir l'authenticité absolue :

Le roi Louis II vient d'être « aliéné » du gouvernement de son pays, parce qu'il avait sollicité le secours financier des princes d'Orléans, et le comte de Paris va être expulsé, parce qu'il a promis de venir en aide à "son cousin de Bavière".

Un prêt de vingt millions de marcs, soit vingt cinq millions de francs telle était la demande du souverain endetté.

L'appui de la Bavière et l'emploi de son influence sur la politique étrangère du prince de Bismarck, en faveur d'une restauration monarchique, tel était le prix auquel le comte de Paris consentait à risquer ses millions.

Malheureusement pour les deux parités contractantes, les intermédiaires n'ont pas usé de la discrétion nécessaire, le secret a été vendu au chancelier allemand,et celui-ci, changeant brusquement d'attitude envers un souverain qui, pour être fou, n'en travaillait que mieux pour le roi de Prusse, décréta le détrônement immédiat de Louis 11, non sans fournir à M. de Freycinet les preuves matérielles de la conspiration tramée par les d'Orléans.

Pour comprendre celte volte-face du prince de Bismarck, Il faut se rappeler que le roi de  Bavière, en dépit de toutes ses extravagances, avait toujours eu soin de cultiver une entente presque intime avec le chancelier, dont il soutenait la politique et dont il flattait l'amour-propre.

Tandis que, à l'égard du prince impérial, voire de l'empereur Guillaume, le chef de la dynastie de Wittelsbach affichait une indépendance frôlant faut l'irrévérence, il s'empressait d'entourer de prévenances et d'adulations le chancelier de far,! à la disposition duquel il mettait ses châteaux, ses écuries et sa livrée chaque fois que le prince venait prendre les eaux de Kissingen, et qu'il félicitait, par lettre autographe, à sa fête, au Jour de l'an et à n'importe quel autre propos.

Dans le domaine politique, Louis II ne se montrait pas moins docile. Aussi anticlérical que la plupart de ses sujets étaient dévots, le. roi maintenait depuis nombre d'années un ministère libéral contre la majorité catholique de ses Chambres. Enfin, jouissant, en vertu des traités de Versailles, du privilège de contrôler la politique extérieure de l'empire, par l'intermédiaire d'une section du conseil fédéral dont le plénipotentiaire bavarois est le président inamovible, et qu'il a seul le droit de convoquer, le roi Louis se montrait tellement convaincu de la supériorité absolue de la diplomatie de la Wlihelmstrasse que ladite section n'eut jamais l'occasion de se déranger ni d'importuner le chancelier.

Voilà pourquoi le grand chancelier, rendant amitié pour amitié, ne voulait jamais entendre parler d'un changement dynastique en Bavière. En vain les ministres bavarois lui représentaient-ils la gravité de plus en plus fâcheuse de la situation où le gouvernement et le pays se trouvaient vis-à-vis d'un monarque prodigue, dont les passions et les extravagances étalent effrontément exploitées par un entourage inavouable.

Tant que ces scandales se cachaient dans les mystérieux châteaux des montagnes, le chancelier conseillait à ses collègues bavarois de patienter et de profiter de cette royale insouciance sans laquelle ils auraient depuis longtemps cessé d'être ministres.

Mais voilà qu'une révélation des plus imprévues vient brusquement changer ces bonnes dispositions du prince de Bismarck envers son ami couronné. C'était au moment où la comte de Paris mariait l'aînée de ses filles. Un beau jour, le ministère d'Etat bavarois avertit le chancelier qu'au nom du chef de la famille d'Orléans on vient de leur faire certaines ouvertures.

Les d'Orléans offraient de régler les dettes du roi Louis, à la condition que le gouvernement bavarois, usant de son privilège mentionné plus haut, exercerait, à l'aide de la « section diplomatique» du Conseil fédéral de l'Empire, une certaine pression sur le chancelier, en vue d'empêcher ce dernier de poursuivre sa politique anti-orléaniste.

A cette nouvelle, confirmée par des preuves irréfutables, le chancelier bondit. Comment! on allait contrôler sa politique? Et c'étaient encore ces d'Orléans qui se permettaient de s'ingérer dans les affaires de l'empire ?

Immédiatement, il se rendit auprès de l'empereur Guillaume. Après avoir exposé les faits, il montra au vieux souverain l'oeuvre de sa vie menacée par les intrigues des prétendants étrangers, un monarque allemand suborné par l'argent français, les antagonismes et les insubordinations d'autrefois ressuscitées par « l'ennemi héréditaire ». En se retirant, le chancelier emporta l'autorisation de l'empereur pour les ministres bavarois de procéder à l'établissement d'une régence.

Le lendemain, M. de Freycinet était au courant de ce que la chancellerie de Berlin appelait la "conspiration" des d'Orléans. La réception à l'hôtel Galliera n'a été qu'un prétexte; les renseignements fournis par M. de Bismarck ont été la véritable cause de l'action du gouvernement de la République.

Mais que s'était il donc passé au fond? Comment le comte de Paris avait-il pu se confier à des gens qui s'empressaient de vendre ses secrets? C'est ce qui reste à éclaircir. Tout ce que nous savons à cet égard, c'est que les négociateurs qui avalent proposé le marché au nom du roi de Bavière ont agi à l'insu des ministres.

C'étaient, paraît-il, des plénipotentiaires recrutés dans ce monde de palefreniers, de coiffeurs, de valets de pied et de gendarmes mignons qui constituaient l'entourage favori du roi Louis.

Inavouables ou non, ces négociateurs sont officiellement désavoués par la cour et le ministre bavarois.

A Paris, cependant, ces individus semblent avoir réussi à sa faire prendre au sérieux, car la réponse du comte de Paris aurait été adressée directement à des personnages officiels de Munich. C'est cette imprudence qui a perdu à la fois les d'Orléans et le roi Louis."

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